Deux filtres sont nécessaires pour photographier la fluorescence des coraux :
A) un filtre d’excitation passe-haut, posé devant le flash, pour exciter la fluorescence (bloquant ainsi les longueurs d’onde supérieures au bleu), ou alternativement, une lampe ou phare à LED UV ou Bleues,
B) un filtre barrière passe-bas (typiquement jaune) posé devant l’appareil photo pour éliminer la lumière d’excitation, permettant d’enregistrer la fluorescence à des longueurs d’onde plus longues.
Le choix d’un filtre barrière (passe-bas) :
En principe la longueur d’onde de la coupure-haute du filtre barrière doit s’accorder avec la longueur basse de la chute de la lumière d’excitation. Mais les besoins artistiques peuvent modifier ce choix. Par exemple, en laissant passer un peu de la lumière d’excitation, vous pouvez rendre l’image plus lumineuse, tout en donnant une sorte de « perspective » pour son interprétation. Mais attention, trop de cette lumière d’excitation peut apporter une certaine confusion entre celle-ci et une vraie fluorescence dans le bleu, et peut même cacher une fluorescence trop faible.
Un mot sur la lampe pilote du flash :
Notez que si votre flash sous-marin est doté d’une lampe pilote (cachée elle aussi derrière le filtre d’excitation), elle ne sera pas du tout utile pour la mise au point de l’appareil photo (équipé avec le filtre barrière). Si par contre vous utilisez une lampe externe (lumière « blanche ») pour faire vos mises au point, il faudra vous assurer que son intensité soit bien inférieure à la fluorescence que vous souhaitez photographier ; ou, alternativement, il faudra prévoir un système (photodiode) pour couper la lampe automatiquement au moment de la prise de vue.
La fluorescence est fréquente en biologie
La fluorescence de la chlorophylle dans les plantes est aujourd’hui bien connue ; la première observation par H. Kautsky et A. Hirsch date de 1931. Excitée par la lumière bleue, la fluorescence des plantes montre des pics dans le rouge vers 680 et 700 nm. Les mesures de cet effet et de ses variations dans le temps donnent des informations sur la performance du processus de photosynthèse de la plante. La photo (déplacer la souris) montre l’importance du filtre passe-bas pour obtenir l’imagerie de la relativement faible fluorescence (1 à 2% de la lumière absorbée), excitée ici par les LEDS bleues à 470 nm.
Aujourd’hui on sait que certains des pigments fluorescents des coraux sont des variantes de la protéine fluorescente verte, la GFP (Green Fluorescent Protein), trouvée dans certaines méduses. La recherche dans ce domaine et ses applications est en pleine effervescence. Roger Tsien, Martin Chalfie, et Osamu Shimomura, ont été récompensés en 2008 par le prix Nobel de chimie pour la découverte de la protéine fluorescente GFP et son utilisation comme marqueur génétique.
Quel est le rôle joué par la fluorescence dans la vie des coraux ?
Les couleurs de la fluorescence nous semblent fantastiques, mais de quelle utilité sont-elles pour les coraux ? De nombreuses pistes ont été suivies, mais aucune n’a encore obtenu un support unanime, parfois en raison de conflits de données ; le problème est complexe. La plupart des propositions ont ciblé une interaction possible entre les pigments fluorescents dans le tissu animal du corail et les algues unicellulaires (appelées Zooxanthelles de couleur brun doré, et typiquement d’un diamètre d’environ 10µm) vivant symbiotiquement dans ce même tissu. Pour soutenir cette hypothèse, une corrélation est observée entre la quantité du pigment de la protéine fluorescente verte dans son tissu et la quantité de lumière bleue qui atteint naturellement le corail dans son environnement. Dans une des pistes proposées, les pigments pourraient jouer comme un « filtre de soleil » pour protéger les algues, dans une autre, la lumière moins bleue de la fluorescence pourrait aider le processus de photosynthèse des algues dans les profondeurs. On a aussi suggéré que les pigments fluorescents joueraient peut-être un rôle dans la biochimie de la croissance des coraux. Une partie de la complexité du problème vient probablement des variations dans la localisation des Zooxanthelles dans le tissu de coraux en fonction de divers paramètres, et le fait qu’il existe de nombreuses variétés de ces algues. Dans une approche tout à fait différente il a été suggéré que la fluorescence pourrait être une stratégie de défense du corail pour changer son aspect visuel afin de détourner ses prédateurs (tels que poissons papillons).
Les lecteurs intéressés par ce sujet peuvent explorer la liste des publications sur le site du NightSea.
Puis-je voir la fluorescence en plongée sous-marine ?
Oui, la fluorescence des coraux peut être perçue et se présente comme une lueur ou couleur « curieuse », vert, orange ou même rose, en certaines conditions telles que la plongée en fin d’après-midi juste avant le coucher de soleil ou sous les surplombs bien protégés de la lumière directe. Pour les rechercher, il vaut mieux commencer par des sujets faciles à trouver. La fluorescence verte est en générale facile à détecter, mais si vous allumez votre phare de plongée (lumière blanche), l’effet va disparaître. Une lumière bleue (filtre ou LED bleues) va vous permettre de repérer les sujets intéressants en plongée de nuit. Les sujets avec une fluorescence trop faible pourraient demander l’emploi d’un filtre spécifique à placer devant les yeux pour bloquer la lumière bleue, un peu comme ceux utilisés par les « experts » de police criminelle à la recherche d’indices de crime.
Pour voir mes images récentes de fluorescence, prises en avril 2011 lors de notre voyage de plongée en N. Sulawesi en Indonésie: Galerie Fluorescence
Personnellement, j'ai utilisé cette méthode pour la première fois en plongée à Bonaire (en mars 1998) et en Papouasie-Nouvelle-Guinée (en mai 1998). Puisque la fluorescence produite n’est qu’une fraction de la lumière incidente, il fallait travailler dans l’obscurité. Les plongées de nuit avec cette nouvelle lumière ont été très excitantes et remplies de surprises. Vous trouverez ici dessous quelques images de cette époque.
Photos: Bonaire (March 1998).
Photos: Kimbe Bay, PNG (May 1998).
Photo: Etang de Maguelone, France (August 1998).
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